[رشيد الميموني]

Dorénavant, je me mis,peu à peu , à me délivrer de cet état d’ivresse morale dont j’étais l’objet et qui m’a éloigné de mes autres occupations car,outre les cours et les élèves , les échos parvenant du monde entier , accompagnés d’images terribles de sang et de cadavres mutilés, me rendirent toujours de mauvaise humeur ; et mon voisin l’épicier, ne ratait jamais l’occasion , à mon passage devant sa boutique, pour me taquiner.
-Eh ! voilà une attitude de héros..celle de votre France ;n’est-ce pas ?
J’avoue que ses propos me réconfortaient malgré le ton moqueur,mais je me sentais las, et la vie me paraissait sombre.J’avais besoin de vivre dans la clarté telle que la clarté des vignettes de mon voisin fantôme et de leur ciel dégagé.
Je sentis le besoin de prendre un congé de repos , loin de la ville,de ses bruits ,de son masque d’hypocrisie..et,sans hésiter, je pris l’autobus pour aller me réfugier dans un village isolé ,en pleine chaîne montagneuse du Rif . Là, je savourais pour la première fois depuis longtemps, une tranquillité incomparable.Et je pus rêver en toute liberté, de belles images d’un mirage qui m’a hanté un certain temps, et qui paraissait à ma portée..Un mirage qui couvrit le fantôme-voisin d’un bel aspect :mèche élégante d’un blondin dynamique et honnête. Et il m’arrivait parfois de murmurer comme dans un délire : « Du moins, le mirage est beaucoup plus rassurant que le fantôme qui ne cesse de me torturer et de me plonger dans un désespoir fatal...C’est vrai que l’autre me fait haleter derrière lui , mais il m’inspire de l’espoir
A mon retour, je fus résigné et je pris l’habitude d’échanger quelques idées avec l’épicier avant d’aller m’enfermer chez moi, là haut,au cinquième étage.
Hier, il m’a fait une remarque sur une nouvelle habitude que j’ai prise récemment :
-Je vois que ces cassettes de dessins animés ne cessent d’envahir votre domicile ;en êtes-vous passionné à ce point ?
Je me tus en contemplant l’horizon.
-Quoi ? dit-il en suivant la direction de mes regards , n’auriez-vous pas l’intention d’aller là bas,rejoindre votre Tintin et le professeur Tournesol ? Je vous savais admirateur de la Provence de ce Daoudi, mais , suivre un mirage !
Encore une fois , je ris en pensant à l’auteur du « Petit Chose »,et j’étais sur le point de prendre congé de lui quand il m’ adressa le coup fatal :
-Ah , j’ai failli l’oublier, voilà une nouvelle qui va peut être vous décevoir..Votre voisin vient de déménager..Vous étiez en congé..et…
Je feignis de sourire,mais, c’était un sourire amer, et je dis indifféremment :
-Et qui va le remplacer M. France Presse ..un autre de Ouarzazate ?
-Non , répondit-il en riant , un ancien combattant de l’armée ; c’est un Rifain , il s’appelle Haddou…