La rencontre - Suite
Celui qui a l'opportunité de se rendre à cette région et de longer ses belles vallées , se trouvera parfois en face des grottes qui constituaient , jadis , des refuges pour les sans abri , les hors-la-loi , ainsi pour ceux que la poursuite des ennemis obligea à se cacher . Elles ont un aspect effrayant avec leur gueule me- naçante; on a l'impression qu'elle s'apprête à dévorer quiconque qui s'aventure à passer près d'elle. Mais à l'époque où se déroulait notre histoire , ce furent des fauves ou des bestioles qui s'y installaient en toute tranquillité .
Quelques unes demeuraient vide , accueillant tout égaré . Il y régnait un silence majestueux , un calme divin . Tout semblait prier solennellement .. Les arbres , les rochers , les insectes , les fauves . Même le vent soufflait en harmonie avec cette psalmodie inaudible ,mais sentie jusqu'aux profondeurs de l'âme . Tout s'embrassait , s'aimait , se rassasiait de cette sérénité que nul ni personne ne troublait .
Tout en traînant ses pas , Ali ne cessait de frotter les paupières dans le but de se trouver sur son lit , dans sa chambre , là-bas , à Tétouan ; en vain . Il s'approcha de l'une de ces grottes craignant à tout moment une attaque subite d'une bête féroce , dressant l'oreille en vue de capter un bruit familier .. Rien. Cependant , à mesure qu'il s'avançait à l'intérieur de la gueule noire , il percevait des bourdonnements étranges . Puis une lueur lointaine grandissait à une allure vertigineuse .
Maintenant , la forte lumière faillit l'aveugler . Il fut obliger de protéger ses yeux avec son bras . En –
suite , Il put rouvrir les yeux et , là , un peu plus bas , dans une sorte de hangar géant , il vit , la bouche bée , une ruche.. une fourmilière . Des milliers de personnes pareilles à des abeilles , à des fourmis dans leur ouvrage . Des robots , des machines sophistiqués . des experts et des ouvriers à pas et à gestes machi- naux .. "Que signifie tout cela ?.. Des robots à l'époque de…J ne dois pas y croire ; mais il ne faut pas ad- mettre que ce soit notre ère ."
Il était sur le point de pousser un cri de terreur en voyant un groupe de jeunes lépreux mettre l'un de leurs camarades sur une planche , prendre des scies électriques et le découpent en morceaux . Quelle hor- reur ! .. Il sentit de la nausée . Il remarqua qu'aucun des occupants du fameux laboratoire ne paraissait intact .. Tous étaient ou bien mutilés ou bien galeux , aveugles , sourds…
Il eut beau rester prudent , l'un d'eux l'aperçut et s'avança vers lui .." C'est la fin .. je suis perdu .. Ah si le vieillard l'avait emmené avec lui !.. Cependant , le jeune homme au visage blême s'arrêta , le dévisa –gea un instant , avant de reprendre d'une voix glaciale en tendant son bras veineux :
- Bienvenue grand père .. Tu as bien fait de venir témoigner de crimes
Ali recula en sursaut . Il se crut vraiment en face d'un miroir tel que l'autre lui ressemblait .
- Grand père ? .. témoigner des crimes ?..Mais qu'est-ce que…
- Quoi ?.. Tu ne veux pas reconnaître ton petit fils ?.. Regarde moi bien .. Alors ?
- Dis moi jeune homme .. Qu'est-ce que toute cette atrocité .. ces créatures ?..
- C'est la réalité .. les fruits de vos crimes !
- Quels crimes ?
- Eh bien les vôtres .. ceux qui ont débuté avec les inventions du 20ème siècle .. votre siècle .
- le nôtre ! .. mais vous y êtes , vous aussi !
L'autre partit dans un éclat de rire ; on dirait qu'il râlait puis , l'ai sérieux , il reprit :
- Non.. non .. Vous ne vous rendez même pas compte de votre ère .. Nous sommes au 30ème ..
- Le 30ème ??!!.. Eh bien alors , là . je ne peux plus supporter cette comédie !
- Oui – interrompit l'autre - appelez la comme vous voulez .. En fait , c'est vrai .. c'est une comédie , mais pour nous , c'est plus qu'une tragédie .. hélas !.. ce que vous voyez d'horrible ici , est tout ce que nous avons hérité de vos découvertes et de vos inventions .
- Eh ! Dis donc .. pensez-vous que je vais y croire ?
- Il le faut .. Maintenant , partez avant que l'on ne vous aperçoive .. vous auriez le même sort que notre camarade ,et peut être pire .. Partez , que Dieu vous pardonne .. Prenez ce briquet automatique ; il vous
Servira dans les ténèbres du dehors .
Même si sa mémoire reste intacte , il ne pourra jamais savoir ni imaginer comment il a pu quitter la grotte , escalader un pente et arriver qu'il croyait le point culminant de la région .. Son cœur faillit arrê- ter de battre , tant il était paniqué .. Il courait , courait à perdre haleine ,criant , hurlant , gémissant :
- Hé ! hé !.. à moi .. au secours !.
L'écho retentit à travers les roches immobiles comme des statuts , ce qui doubla son angoisse.. Enfin il trébucha et tomba évanoui au pied d'un arbre.
Plusieurs heures se son écoulés ainsi , et lorsqu'il se fut réveillé , il se trouva entouré d'un groupe de touristes qui tentèrent , par curiosité , de connaître le secret de cet homme jeté au bord de la route M
"-Eh.. Monsieur ! Vous allez bien ? – lui demanda l'un d'eux .
Il ouvrit de grands yeux , regarda avec méfiance son interlocuteur et pensait.." C'est un français ."
-Oui .. ça va – répondit-il d'un ton qu'il voulait sûr -.. dites moi .. vous êtes de quel siècle ?
Les individus se regardèrent un instant .. Quelques uns firent signe qu'il faudrait s'en aller . Mais l'aspect élégant de l'enseignant empêcha les autres d'être indifférents à ce qui se passait .
- Il délire .. Il est peut être souffrant .
Qui êtes vous .. et où suis-je ?-
-Il reprit connaissance – chuchote celui qui lui passa la main sur le front – Eh ..nous somme des touristes. Qu'est-ce qui vous est arrivé Monsieur ?
-Oh .. rien .. Je.. je me reposais .. c'est tout !
-Vous reposer ? .. oui .. je vois .. allez , quelle est votre destination ?
-Tétouan .
-Tant mieux .. nous nous y rendrons , nous aussi .. venez !