أديب وقاص ومترجم أدبي ويعمل في هيئة التدريس -عضو الهيئة الإدارية / مشرف عام على المنتديات والأقسام / نائب رئيس رابطة نور الأدب
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رد: Oasis de prose
Gwenola , ou la mémodie de la dernière nuit - 3</B>
Gwenola parlait , parlait , tandis que lui naviguait dans ses pensées tant sombres et tant agitées . Il ne fit même pas attention à sa voix chantonnant l’invitant à se mettre à table . Elle demeurait gaie malgré l’air sombre et les sourcils froncés de son compagnon . Elle le croyait ému , autant pour avoir quitté son copain que d’avoir reçu une telle surprise . Elle ne cessait de le caresser , d’entourer son cou de ses bras , de lui tendre des grains de raisins …
On passa l’après midi au bord de la mer . Elle , toujours souriante , toujours causante ; lui , taciturne , sombre , comme s’il souffrait d’un fardeau duquel il ne pouvait se débarrasser . « Pourquoi le destin ne me sourit jamais ? Ai-je commis quelque chose qui puisse transformer ma vie en tel enfer ? .. »
Un instant , il ne tint plus . IL la laissa seule sur la terrasse du café , et alla rejoindre un groupe de marins qui , à les voir l’accueillir chaleureusement , on eut l’impression qu’ils l’attendaient . Ils gesticulaient , criaient , et , de temps en temps , se retournaient vers elle . Elle rougit . Fut-elle l’objet de leur conversation ?
Enfin , il revint , souriant cette fois , l’air enthousiaste .
- Il paraît que tu as trouvé de vieilles connaissances ?
- Tu peux le dire...oui .
Elle le regarda , toute rose d’émotion et dit :
- On sera heureux , n’est-ce pas ?.. Je veux que tu sois heureux .
- Oui.. tout à fait heureux .
- Seulement… je ne sais pas.. il me paraît quelque fois que tu es loin de moi… tu ne me parles jamais te toi
- Je n’ai rien à te cacher.. tu me connais bien …
- Oui , c’est vrai – dit-elle d’un ton qui lui parut triste – mais il me semble que ton âme toute proche me fût-elle lors des premiers jours de nos rencontres , et toute claire soit-elle , je n’arrive point à te comprendre maintenant . je n’y vois , à présent que mystère et brouillard .. Je me demande parfois..
- Chérie !ne te laisse pas entraîner par des illusions ;elles ne feront que gâcher ta vie..je veux dire..notre vie .
- On s’en va ? j’ai froid .
Ils retournèrent chez eux ; ou plutôt chez lui , car elle ne sentait plus cette délice en traversant les ruelles boueuses pleines de polissons qu’elle aimait dorénavant .Un climat étrange régnait ,en cette soirée de juillet. Gwenola voulait paraître vive ,comme d’habitude , pleine d’ardeur et de joie ; essayant en vain de chasser cet air de doute et de mélancolie ; tandis que lui , il tentait de l’imiter .
Après le dîner , ils passèrent à la lucarne . Il la sentait se coller contre lui . Il entoura ses hanches de ses bras et embrassa son cou . L’air était frais ; alors ils rejoignirent le lit . Elle éteignit la lumière et s’étendit près de lui .
- Tu te souviens de notre première nuit ?- demanda-elle à voix basse .
- Oui.. – répondit- il en soupirant- La première .. comme la dernière .
- Comment.. la dernière ?
- Je veux dire celle qui aurait pu être la dernière .
Le temps passa . Les étoiles s’éteignirent l’une après l’autre ..La partie Est du ciel se couvrit de nuages lancés à grande vitesse . Bientôt , le jour succéderait à la nuit…Une nuit témoin de tant d’étreintes ; de tant de plaintes , avec cette nouvelle mélodie qui s’éleva , triste cette fois :
Ne me quitte pas
Laisse moi devenir
L’ombre de ton corps
L’ombre de ton chien *
Cependant , cette nuit qu’elle voulait fêter , et qu’elle voulait pareille à la première , ne fut qu’une série de déceptions ; car , en dépit des étreintes , des plaintes , des baisers , elle ne sentait contre son corps brûlant de désir qu’un cadavre machinal , froid , presque immobile .. Ni les cheveux , ni la peau , tout embaumés qu’il fussent , n’arrivèrent à le distraire , à l’arracher de sa mélancolie…Elle eut beau le contenir , le submerger de ses souffles enflammés , Gwenola le sentait ailleurs ,tout entier , loin d’elle ,corps et âme . Son paradis à elle, n’est à présent qu’un vaste terrain sec , plein d’épines , flou , dépourvu de toute verdure
Elle se demandait dans le calme et dans l’obscurité ce qui était arrivé ,et comment elle n’arrivait même pas à
comprendre cette âme qu’elle croyait ouverte à elle .
Et lorsque , réveillée en pleine matinée , elle se trouva seule dans le lit bouleversé , paraît-il , par tant d’accolades et d’étreintes , elle s’assit , rêveuse , les larmes aux yeux . Elle ne cherchait plus à comprendre ce qui allait se passer . Tout était fini ..elle le savait bien .
De la lucarne , elle contempla le petit port et une partie de la plage dont le bout disparaissait dans les brumes . Le vent de l'est bourdonnait , menaçant ,accompagné d'un grondement incessant des vagues . Elle resta longtemps ainsi , puis se mit à chantonner :
Nous étions deux amis , et fanette m'aimait .
La plage était déserte ,et dormait sous juillet *
Le jour passa sans que Gwenola quitte la petite pièce donnant sur le port ; puis deux jours , puis trois . Une semaine s'écoula ainsi . Maintenant il fallait partir , quitter ce lieu triste voire même ce pays où elle rêvait vivre heureuse , cette pièce dont elle voulait faire un paradis .
Elle emballa sa valise , jeta un dernier coup d'oeil sur le lit , sur la lucarne , puis sortit . Le vent de l'est fouetta son visage d'une rafale de pluie fine provenant de la mer agitée . Elle s'en alla à la hate , évitant les petits qui l'avaient reconnue ,et l'avaient suivie jusqu'à l'avenue .
Le " Bazar " était là . Les objets la contemplèrent en silence . Ce ne fut pas comme l'autre fois où il lui semblait qu'ils dansaient au rythme de son coeur palpitant de joie ,d'espoir ,d'amour...Se moquaient-ils , à présent de son revers ? Le copain était , lui aussi , là-bas , à la dévisager . Elle le regardait . leurs yeux se disaient des choses et des choses . Leurs esprits n'avaient que l'image de l'autre . Dut-elle s'instuire auprès de cet ami à l'air honnête et sincère ? Mais à quoi bon tout cela servait-il ? Quel secret voulait-elle dévoiler ? n'a-t-elle pas assez souffert pour apprendre des choses encore plus terribles que cette fin triste ?
Elle ne put s'empêcher d'adresser un léger salut au jeune homme qui , à son tour , inclina la tête en souriant légèrement . " A dieu jeune homme honnête ! A dieu témoin fidèle de mon amour brisé , de mon paradis mitage , de mes secrets , de mes souvenirs ..!.. mon Pangloss n'a pas pu cultiver ..je ne sais pas pourquoi.. je le regrette .. Je le savais bien.. j’étais tout simplement un simple Candide ."
L'avion survola le détroit qu'elle regardait par le hublot . La voix grave du speaker s'éleva , monotone :
-" Ils étaient treize à s'embarquer à bord d'un chalutier , vers l'île de...lorsque le vent , très puissant les fit chavirer .. Il y aurait un seul rescapé ; les autres , morts ou porté disparus ... Maintenant , mes dames et Messieurs ! place à la musique..."
Le détroit , en bas , mijote de colère et de furie , ouvre une gueule de monstre . Il lui lançait des regards menaçants . Elle ferma les yeux , essaya de chasser toute scène horrible qui hantait son esprit ; puis , soupirant , elle se laissa bercer par des rêves qu’elle trouva consolants pour son cœur blessé .. Un remède pour son âme déprimée .. La Bretagne est là.. l’attendant avec ses humides brumes , ses muettes falaises , son vaste océan …
Il parle de la mort
Comme tu parles d’un fruit Il regarde la mer
Comme tu regardes un puits *
* Extraits des chansons françaises
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